Des mois que ces documents étaient attendus. Le gouvernement a publié, lundi 4 novembre, ses feuilles de route pour l’énergie et le climat, quelques jours après la publication du nouveau Plan national d’adaptation. Combien de constructions de centrales nucléaires, d’éoliennes et de panneaux solaires ? Quels objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique ? Comment atteindre la neutralité carbone en 2050 ? C’est à ces questions qu’entendent répondre le texte de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la troisième version de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3).
Le premier est l’outil précisant la politique énergétique française pour les dix années à venir, et détaille donc, entre autres, l’accélération à mettre en œuvre sur les énergies renouvelables et la relance du nucléaire afin de sortir le pays de sa dépendance aux énergies fossiles. Le second décrit la trajectoire d’atténuation des émissions françaises, par secteur, pour respecter l’Accord de Paris sur le climat et les objectifs européens. “Cet ensemble de textes permettra, enfin, de parachever le renouveau de notre ambition écologique”, a défendu la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. Ces deux textes, mis en consultation publique jusqu’au 15 décembre, feront ensuite l’objet d’un retour de la Commission nationale du débat public et du Haut Conseil pour le climat, avant d’être publiés par décret dans le courant de l’année 2025, sans discussions à l’Assemblée nationale. Voici ce que l’on peut en retenir.
Un objectif confirmé de réduction de 50% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030
C’est le “grand point à retenir de la troisième édition de la Stratégie nationale bas-carbone”, selon le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Le texte fixe l’objectif de réduire de 50% nos émissions brutes de gaz à effet de serre entre 1990 et 2030. Cet objectif correspond à la part française de l’effort de baisse des émissions imposée par la législation européenne – une baisse de 55% à l’échelle du continent. Pour l’atteindre, “nous devons baisser nos émissions de 5% chaque année entre 2022 et 2030, contre 2% de réduction annuelle en moyenne de 2017 à 2022”, précise le ministère.
“C’est un objectif qu’on pense tenable, la France est sur la bonne trajectoire. L’idée est de poursuivre les mesures en cours, leur mise en œuvre”, a commenté le cabinet de la ministre, bien que des baisses de budget ont été annoncées sur plusieurs dispositifs du ministère de la Transition écologique. “Ce sont des sujets sur lesquels on est très attentifs. Il faut maintenir la dynamique, mieux utiliser les enveloppes qu’on a”, répond le cabinet de la ministre, pointant du doigt un “vrai enjeu de ciblage”.
La baisse mentionnée concerne les émissions territoriales, évacuant les émissions dues à la consommation de biens et services importés. “La version finale de la troisième SNBC fixera un objectif de réduction de notre empreinte carbone à l’horizon 2050, en complément d’objectifs de baisse d’émissions territoriales”, souligne toutefois le texte.
La capacité d’absorption des forêts et des sols dans le rouge prise en compte
La réduction annoncée de 50% des émissions françaises de gaz à effet de serre d’ici 2030 concerne les émissions brutes, elle ne comprend donc pas l’absorption de carbone par les forêts et sols. Or ces dernières années, les forêts françaises paient un tribut de plus en plus lourd face au réchauffement climatique. “Il semble que la dynamique de puits de carbone de la forêt française (…) s’amenuise, marquée notamment par des sécheresses et des maladies qui entraînent une surmortalité des arbres et une diminution de leur croissance”, relève la Stratégie nationale bas-carbone.
Une baisse de l’absorption du carbone que la précédente SNBC n’avait “pas anticipée”, note le texte. Cette nouvelle mouture a donc dû revoir à la baisse cette “compensation” de nos émissions de gaz à effet de serre. Alors qu’elle définit des budgets carbone, soit des plafonds d’émissions pour respecter ses objectifs sur le long terme, la SNBC 3 rabaisse largement la capacité du secteur, de 42 à 9 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an absorbés pour la période 2024-2028 et de 46 à 18 pour les années 2029 à 2033. “Le gouvernement poursuivra et amplifiera son action pour préserver ce puits”, promet la SNBC.
Abandonner les énergies fossiles pour un mix plus décarboné
“A l’horizon 2050, aucune énergie ne devra provenir des énergies fossiles” que sont le pétrole, le gaz et le charbon, établit la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Les documents donnent ainsi une “planification” pour chaque type de production d’énergie, réclamée de longue date par les acteurs des filières énergétiques. A la fois sur la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et l’expansion des énergies renouvelables.
Pour le nucléaire, le gouvernement veut atteindre un niveau de production de 360 à 400 térawattheures (TWh) par an, via notamment le lancement de la construction de six EPR de deuxième génération, rappelle le texte. Concernant les énergies renouvelables, la PPE prévoit une “forte augmentation du rythme actuel de déploiement” de l’électricité photovoltaïque, passant à un objectif de “54 à 60 gigawatts (GW) en 2030, contre un objectif compris entre 35 et 44 gigawatts en 2028 dans la précédente PPE”.
Pour ce qui est de l’éolien terrestre, la PPE défend un “maintien du rythme actuel de 1,5 gigawatt par an”. Le gouvernement avait par ailleurs précédemment levé le voile, le 18 octobre, sur le déploiement de l’éolien en mer (offshore) : une cinquantaine de parcs éoliens sont prévus sur toutes les façades maritimes de l’Hexagone, pour atteindre 18 GW de capacités installées en 2035 et 45 GW en 2050. Contre seulement 1,5 GW actuellement.
“L’ambition de la PPE est claire : réaliser une transition historique, en passant d’un modèle de consommation d’énergie encore largement carboné – 60% en 2022 – à un modèle 60% décarboné d’ici 2030, avec des objectifs encore plus ambitieux pour 2035”, expose Olga Givernet, la ministre déléguée à l’Energie. Le mix électrique français passerait, selon la PPE, par une diminution de la part du nucléaire au profit des énergies renouvelables.
Rénover 400 000 maisons et 200 000 logements collectifs par an d’ici 2030
Le deuxième axe de la PPE est “la maîtrise de la consommation avec la sobriété et l’efficacité énergétique”, avait souligné Olga Givernet fin octobre dans Les Echos. La PPE met en avant une baisse de la consommation d’énergie dans les dix prochaines années, élément “indispensable pour l’atteinte de nos objectifs climatiques”, fait valoir le texte.
“La France doit ainsi viser une consommation en énergie finale de 1 243 TWh en 2030, ce qui correspond à une réduction de la consommation d’énergie finale de 28,6% sur la période 2012-2030”, peut-on lire en détail. “Il est nécessaire de doubler le rythme global de réduction”, qui était de 10,7% entre 2012 et 2022, souligne le texte.
La PPE évoque plusieurs actions, comme la rénovation de 400 000 maisons et 200 000 logements collectifs par an d’ici 2030. Ou encore une baisse annuelle de la consommation énergétique des organismes publics de 1%, la continuité des gestes de sobriété mis en place lors de l’hiver 2022-2023, ou encore la pérennisation des certificats d’économies d’énergie.
L’ambition de vendre deux tiers de voitures électriques en 2030
La “stratégie de développement des mobilités propres”, un document annexe de la PPE, entend décarboner le premier secteur français émetteur de gaz à effet de serre. “Les transports représentent 32% des émissions de gaz à effet de serre. Ils constituent donc un tiers du problème, mais aussi un tiers de la solution”, selon François Durovray, ministre délégué aux Transports. La stratégie vise notamment l’objectif, en 2030, de 66% de vente de voitures électriques, qui représenteraient 15% du parc roulant.
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