Uncategorized

Armel Le Cléac’h, grand vainqueur du Vendée Globe : le rêve de toute une vie

Le skipper Armel Le Cléac’h vient de remporter son premier Vendée Globe, franchissant la ligne d’arrivée avec plus de 90 milles d’avance sur son concurrent Alex Thomson, et établissant le nouveau record de l’épreuve. Une victoire qu’il attendait depuis plus de dix ans. Nous l’avions rencontré cet été, calme et déterminé, alors qu’il se préparait pour la course de sa vie.

Il a le swing élégant. On le croyait abonné à la houle et aux embruns, mais c’est avec la même assurance qu’il se déplace sur la mer de gazon du golf de St Quentin en Yvelines. Le skipper Armel Le Cléac’h fréquente les greens pour se détendre. « Ça me permet de faire le vide avant une compétition de voile importante » explique-t-il. Invité à l’Open de France de Golf en tant que joueur amateur le 30 juin dernier, il a troqué son ciré jaune contre un ensemble distingué, polo et pantalon bleu. Le Breton de 39 ans a un programme chargé pour les mois qui viennent. Il est le parrain de l’équipe de France olympique de voile pour les Jeux de Rio, à partir du 5 août. Il se prépare aussi (et surtout) à participer à son troisième Vendée Globe, « l’Everest des mers », le 6 novembre prochain. L’enjeu est immense, mais pas de quoi ébranler la confiance du skipper aux yeux pâles qu’on appelle « Le Chacal ».

Il se réjouit à l’idée de se rendre à Rio en août pour soutenir les quinze marins français engagés dans les Jeux Olympiques. Pour lui, l’équipe, dont font partie entre autres Billy Besson et Marie Riou ou Camille Lecointre et Hélène Defrance, pourrait facilement prétendre à quatre ou cinq médailles. Et même quelques unes en or. Armel Le Cléac’h tiendra le rôle de supporter et de conseiller pour ces athlètes prometteurs. Mais ses JO à lui, aucun doute, ce sera le Vendée Globe. Quatre-vingt jours en mer, seul, sans assistance.

Ceux qui parviennent à boucler ce tour du monde en solitaire, organisé tous les quatre ans, ne sont pas nombreux. Mais Armel Le Cléac’h reste zen, il a l’expérience des vieux loups de mer et le sérieux d’un jeune premier. « Ça fait dix ans que je cours après cette course », explique-t-il. A deux reprises, il est arrivé deuxième. Cette fois, il part « avec l’ambition de gagner ». Il ne semble pas concevoir d’autre option. En 2012, il avait terminé à seulement trois heures de son rival François Gabart, après un coude à coude éreintant. Une grande « déception », lâche-t-il pudiquement. L’édition 2016 est d’autant plus importante qu’elle pourrait être la dernière pour lui. « C’est un investissement considérable », explique-t-il, pas question d’en faire « quinze dans une vie ».

« Le chacal », surnom pour un prédateur solitaire et redoutable ? Sûrement. Mais Armel Le Cléac’h dégage pourtant une grande tranquillité. De l’humilité aussi. Il dit « on », rarement « je », et salue régulièrement le travail de son « team »Banque Populaire. Modestie, solidarité : autant de valeurs apprises en bravant les océans. Face aux éléments, les marins se serrent les coudes. « Sur une course en solitaire, les concurrents sont aussi des camarades, raconte le skipper. On est tous solidaires, les rivaux deviennent des secouristes potentiels en cas de pépin. » Des pépins, il en a connu. En 2005, lors de la transat Jacques Vabre, il chavire avec son équipier dans le Golfe de Gascogne. « J’ai réussi à nager et à remonter à bord, ce qui déjà n’est pas très drôle. Mais je ne voyais pas mon coéquipier. Pendant plusieurs secondes, je l’ai appelé, sans réponse. J’ai vraiment eu peur » se souvient-il. Finalement, il parvient à repêcher son partenaire, blessé au thorax. Ensemble, ils attendront pendant sept heures d’être hélitreuillés.

Enfant, c’est sur le bateau de croisière de son père qu’il prend goût à l’aventure. « On faisait des balades en famille, se remémore-t-il. Parfois, on traversait la Manche ». Détail non négligeable : à l’époque, le petit Armel a le mal de mer ! Pourtant, la voile lui plaît tout de suite, plus que les autres sports. Il aime par-dessus tout « être le seul maître à bord ». Dans sa chambre, des photos de Florence Arthaud et Philippe Poupon ornent les murs. Un jour il se dit, « pourquoi pas moi ? »

Pour autant, il ne se considère pas comme un aventurier, plutôt « comme un sportif ». La voile est avant tout une discipline qui exige, comme les autres sports, « une préparation intense » argue-t-il. Avant de reconnaître que, tout de même, le Vendée Globe est différent. « Dans une transat classique, qui dure en moyenne une dizaine de jours, on peut prévoir à la météo sur quasiment tout le parcours, explique-t-il. Donc on sait à peu près ce qu’il va se passer. Le Vendée, c’est l’inconnu. Personne n’est capable de dire ce qui arrivera. » L’inconnu et la solitude. Il faut s’arracher au confort du quotidien, et à la présence des siens. « Chaque départ est compliqué. Dire au revoir à mes enfants, c’est très difficile », convient-il, même s’il avoue aussi qu’une semaine avant la course, ses proches lui font souvent remarquer qu’il est « déjà parti ».

Pendant ses épopées, il reste en contact avec sa femme Aurélie, et ses deux enfants Louise, 9 ans et Edgar, 6 ans. « On s’appelle deux à trois fois par semaine, parfois en visio. Ça marche très mal, confie-t-il en riant, mais ça fait toujours du bien. » Entre deux inspections du bateau, ou deux calculs météo, le skipper s’accorde parfois un peu de distraction. Trois livres : « un pour descendre l’Atlantique, un pour les mers du Sud et le troisième pour la remontée ». Lors de son premier tour du monde en solitaire, il avait embarqué les trois tomes duSeigneur des anneaux de J.R.R Tolkien. « Parce que le périple du héros me rappelait le mien » sourit-il.Plus de doute possible, c’est bien un héros qui s’apprête à lever l’encre, et à défier seul l’océan.

Crédits photos : VINCENT CURUTCHET

Recommended Articles